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Le catharisme - Citadelles du vertige

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LE CATHARISME

Le catharisme

S’il est parfaitement impropre de parler de « châteaux cathares » à propos des citadelles du vertige, l’histoire de leur construction au XIIIe siècle est intimement liée à la lutte contre ce mouvement religieux dissident, apparu en Europe dès le Xe siècle et qui trouva en Languedoc un écho tout particulier sous la protection des seigneurs féodaux.

DES SOURCES PEU OBJECTIVES

« Le catharisme, phénomène médiéval historique et religieux, est célèbre mais mal connu. » Cette phrase de l’historienne Anne Brenon témoigne bien des difficultés que nous avons, aujourd’hui encore, à donner une définition claire de ce que fut cette dissidence religieuse, et ce en dépit des travaux de recherche menés par des générations d’historiens. Il faut dire que les sources les plus nombreuses et les plus aisément accessibles ont été rédigées par les adversaires du catharisme, par ceux qui l’ont condamné et combattu (traités de polémistes catholiques, registres de l’Inquisition). Le terme même de « cathares » est apparu tardivement : c’est l’historien luthérien Charles Schmidt qui, reprenant une appellation utilisée au XIIe siècle en Rhénanie mais jamais relevée en Languedoc, assura son succès en publiant en 1848 une Histoire et doctrine de la secte des cathares ou Albigeois. Quant à la signification de cette appellation, elle reste assez obscure : probablement veut-elle dire « adorateur du chat », c’est-à-dire sorcier, même si le chanoine Eckbert de Schönau, qui forgea le mot en 1163 à partir d’une expression populaire, le rattachait étymologiquement au grec catharos, « pur ». Dénommés dans les premiers temps « hérétiques » par leurs adversaires, les cathares sont, à partir du déclenchement de la croisade en 1209, plus communément appelés « Albigeois » par les croisés, qui voient dans Raimond-Roger Trencavel, vicomte d’Albi, leur principal ennemi, celui qui a laissé se développer en toute quiétude l’hérésie sur ses terres.

CROYANCES ET RITES

Le catharisme prône un retour aux origines de la foi chrétienne, face à une Église romaine puissante, autoritaire et opulente, qui accroit son pouvoir matériel et s’éloigne, d’après les cathares, de l’idéal de vie et de pauvreté du Christ. Ne pouvant également croire qu’un dieu bon ait permis aux hommes de connaître la souffrance, les guerres ou la corruption, les cathares admettent deux principes : le monde visible, domaine du Mal « dont Satan est le prince » et le monde invisible, divin et lumineux, où règne le Bien.

Les adeptes du catharisme rejettent l’ensemble des sacrements catholiques; pour eux, le seul sacrement réellement fondé est le baptême par imposition des mains. Ce baptême spirituel, appelé consolament, est un engagement très fort : il fait de celui qui le reçoit un « chrétien », un ministre du culte qui désormais respectera les règles d’abstinence et de continence, vivra du travail de ses mains et sera un modèle pour les « croyants ». Qualifiés de « parfaits » et de « parfaites » par leurs adversaires, les femmes et hommes ayant reçu le consolament forment un véritable clergé ; eux-mêmes s’appellent « bons hommes » ou « bonnes dames ». Le consolament est également conféré aux mourants, leur donnant ainsi la possibilité de sauver leur âme et leur assurant une « bonne fin ».

Peire Vidal - Bibliothèque nationale de France, ms fr. 12473, f° 27 - Cliché Bibliothèque nationale de France.

SEIGNEURS PROTECTEURS

Sous des noms différents, des communautés de cathares sont attestées à travers toute l’Europe à partir du Xe siècle : Bulgarie, Allemagne, Italie, Flandre, Bourgogne, Champagne… Mais, c’est dans le nord de l’Italie, et surtout dans le Midi de la France que le catharisme s’implante le plus solidement au cours du XIIe siècle, notamment grâce à la protection et souvent à l’adhésion des seigneurs locaux, qui accueillent ces communautés de « bons hommes » et de « bonnes dames » dans leurs Castra. Si l’Église romaine fulmine et prêche déjà la chasse aux « hérétiques », les comtes toulousains et leurs principaux vassaux préfèrent fermer l’œil évitant ainsi de mettre en danger leur assise politique.

De nombreuses raisons peuvent expliquer l’accueil favorable fait par les seigneurs languedociens au catharisme. L’absence du droit d’aînesse dans le processus des successions en Languedoc est à l’origine d’une fragmentation des seigneuries : les mêmes biens font à chaque génération l’objet de partages et le nombre de coseigneurs s’accroît. C’est dans cette petite et moyenne aristocratie que le catharisme prend souvent racine, et cela d’autant plus facilement que ces seigneurs s’opposent régulièrement à l’Église romaine pour la préservation de leur patrimoine.

Les chartriers, notamment celui de l’abbaye bénédictine de Lagrasse, témoignent des rapports conflictuels qui existent entre les établissements monastiques et certains seigneurs au cours de la deuxième moitié du XIIe siècle. Ces derniers remettent souvent en cause les donations et aumônes que leurs parents ont pu faire à l’abbaye pour leur salut personnel, réduisant d’autant le patrimoine familial. Par ailleurs, les efforts menés par l’Église romaine pour obtenir des seigneurs laïcs la restitution des dîmes ecclésiastiques, que ceux-ci percevaient encore dans le Midi malgré les condamnations prononcées à la suite de la réforme grégorienne, sont fort impopulaires.

Cette hostilité marquée à l’égard des établissements religieux jugés trop riches et trop puissants politiquement et socialement, on la rencontre également dans la culture des élites aristocratiques et urbaines : les troubadours qui chantent l’amour courtois critiquent souvent assez durement la vie menée par les clercs romains, dénonçant la trahison du message évangélique. Certains, tels Ramon de Miraval ou Peire Vidal, fréquentant les cours des seigneurs cathares du Carcassès, apparaissent suspects aux yeux de l’Église.